Saison 01. Épisode 05.

La ligue… la ligue… C’est quoi ce truc ? Qu’est-ce qu’il croit, lui ? Qu’en prononçant ce mot que je ne connais pas, je ne vais plus avoir la trouille de son monstre qui me mate avec envie comme si j’étais un bout de barbaque saignant ? Je décolle la boue séchée sur mes jambes pour passer le temps et oublier qu’on flotte sur une soupe noire et épaisse mangeuse d’enfants. Au bout d’un moment, je décide de faire ami-ami.

– Comment tu t’appelles ?

– Moins fort Ducon ! chuchote-t-il. On n’est pas en promenade… Filan… Je m’appelle Filan. Et toi ?

– Angus. Mes copains m’appelaient Gus.

– Ou Gugusse, non ? C’est sympa Gugusse !

J’aurais mieux fait de la fermer. Nous débarquons au-delà des roseaux sur un terrain ferme et sec. Nous nous faufilons ensuite entre de hautes fougères. Mon guide marche devant, la bête me suit de près en soufflant un air humide et puant sur mes mollets. Gentil ! Gentil le monstre ! Pas manger ! Pas manger !

Nous pénétrons bientôt dans une grotte étroite. Filan allume la bougie d’une lanterne abandonnée par terre et nous entraine plus profondément dans le boyau. Nous nous arrêtons après quelques dizaines de mètres. Il éclaire avec sa lampe un bol en terre rempli d’une matière blanchâtre, visqueuse et luisante.

– Enduis-toi avec cette graisse. Commence par le visage. Après tu feras tes bras, tes jambes, et tes habits. T’as pigé ?

– Ça pue ton truc. A quoi ça sert ?

– Ça protège des parasites et ça rend invisible.

Invisible, c’est ça ! Il est pas un peu barge !

– Magne-toi ! On est attendus.

Pendant que je termine mon pommadage, il racle le sol avec son pied nu pour former un petit tas de poussière bleue.

– Ferme les yeux et la bouche ! ordonne-t-il.

Les grains de la roche viennent fouetter mon visage et le reste de mon corps. Je me recroqueville. Le gars me botte le cul pour que je me redresse et me tire sur les bras. Gentil ! Gentil ! Il promène ensuite sa lampe le long de mon corps pour inspecter son boulot. Je me sens dégueulasse et n’ose même plus me toucher.

Nous reprenons notre marche pendant de longues minutes. Soudain, je sens des gens très près de nous. Je les entends parler tout bas mais je ne les vois pas. Filan freine et éclaire un côté de la grotte où la roche bleue forme des bosses bizarres.

– Salut les gars !  lance mon guide.

Quatre billes blanches surgissent de l’obscurité. Je sursaute de terreur. Les deux types ont juste ouvert leurs yeux. Ils me sourient à pleines dents, heureux de m’avoir fait peur.

– Comment il s’appelle ce môme ?

– Gugusse ! C’est sympa comme nom.

– Et puis, ça lui va bien !

– Gronk ! grogne la bête derrière moi.

– Même Siar, il trouve ça beau, Gugusse !

Je leur aurais bien balancé mon poing dans la gueule, si je n’avais pas senti le monstre me pousser vers l’avant. J’atterris dans une grande salle éclairée par des torches fixées sur les parois. Une dizaine de personnes se pressent autour d’une très grosse femme assise en hauteur sur un banc.  Deux boules de chair bleue débordent de son corsage. Sa peau brille plus que celle des autres. Tout le monde s’écarte quand je m’approche et le silence se fait brusquement. L’énorme dame entrouvre les paupières et déclare en souriant:

– Dans mes bras, le môme. Viens faire câlin à Maman !

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